(English below)

285 impressions numériques de tailles variées, toile militaire vulcanisée 5 pieds x 20 pieds, 101 rouleaux de films 35mm, papier, encre.

Œuvre en cours d’évolution constituée de photographies prises en avril et mai 1996 à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), un mois après la réunification de la ville. 

Remerciements à Pierre Tison et Jean-René Archambault, pour l’aide à la sélection d’images, et Marion Panteghini pour les nombreuses discussions.

Jeudi matin à Trieste

9 mai 1996 – Arrivé tôt par l’autobus de nuit en provenance de Split, je suis assis au café de la gare pour réfléchir; j’ai une décision à prendre. Je sors de l’ex-Yougoslavie d’après-guerre avec 100 rouleaux de film exposés et il ne me reste que 25 rouleaux frais. Je sais que ces images sont importantes, mais je ne sais pas par où commencer pour qu’elles soient vues. Plus de 3000 images fantômes latentes sur la pellicule… L’idée de tout me faire voler me donne le vertige.

Si je continue mon voyage, je dois protéger ces 100 rouleaux, uniques et précieux, jusqu’à mon retour à Montréal. Et puis, je n’ai aucune manière de savoir si Konstantin est toujours vivant. En rentrant maintenant, je sacrifie l’Albanie et des mois de préparation. Ça n’a plus vraiment d’importance parce que j’ai été happé par la Bosnie, par ses gens, et je m’y sens étrangement chez moi. Je sais déjà que je ne m’en remettrai jamais. Je termine mon café pendant que l’ombre du matin s’estompe. Le guichet de la gare vient d’ouvrir. Un avion m’attend à Paris.

Konstantin

J’ai choisi ces images parce que tu n’as rien vu à Sarajevo. Tu n’as rien vu de ce que j’ai vu à Sarajevo. Diagnostiqué d’un cancer à 30 ans, ta mortalité soudaine a exposé la nôtre (pourtant évidente) d’une manière difficile à ignorer. Et moi j’ai décidé d’arrêter d’en parler; je suis parti sans date de retour, avec l’idée de traverser les Balkans nouvellement en paix pour atteindre l’Albanie. Mais j’ai été arrêté en chemin par Sarajevo que j’avais tant vu aux nouvelles, impuissant et affecté. J’y suis resté 20 jours. À mon retour, le 12 mai 1996, notre ami Jean-René m’a dit que tu n’étais plus vraiment là; tu achevais la phase terminale de ce cancer qui t’avait cloué au lit depuis l’été précédent. Tu es décédé quelques jours plus tard, le jour même où j’ai développé le premier rouleau de film. Cette installation, c’est pour m’imaginer un instant ce dont on aurait parlé entre photographes, si on avait eu le temps.

ENGLISH

Thursday morning in Trieste

285 digital prints of various sizes, 5′ x 20′ vulcanized military canvas, 101 rolls of 35mm film, paper, ink.

Work in progress, consisting of photographs taken in April and May 1996 in Sarajevo (Bosnia-Herzegovina), one month after the city’s reunification.

Thanks to Pierre Tison and Jean-René Archambault, for their help in selecting the images, and Marion Panteghini for the many discussions.

Thursday Morning in Trieste

9 May 1996 – Arriving early on the night bus from Split, I sit in the station café to think; I have a decision to make. I’ve just left the post-war former Yugoslavia with 100 rolls of exposed film and only 25 fresh rolls left. I know these images are important, but I don’t know where to start to get them seen. There are more than 3,000 latent ghost images on the film… The idea of having everything stolen from me makes me dizzy.

If I continue my journey, I must protect these 100 rolls, unique and precious, until I get back to Montreal. Besides, I have no way of knowing whether Konstantin is still alive. By going back now, I’m sacrificing Albania and months of preparation. It doesn’t really matter anymore, because I’ve been drawn in by Bosnia, by its people, and I feel strangely at home there. I already know I’ll never get over it. I finish my coffee as the morning shadow fades. The ticket office at the station has just opened. A plane is waiting for me in Paris.

Konstantin

I chose these pictures because you didn’t see anything in Sarajevo. You saw nothing of what I saw in Sarajevo. Diagnosed with cancer at the age of 30, your sudden mortality exposed our (obvious) own in a way that was hard to ignore. And I decided to stop talking about it; I left without a return date, with the idea of crossing the newly peaceful Balkans to Albania. But I was stopped on the way by Sarajevo, which I had seen so much of on the news, powerless and affected.

I stayed there for 20 days.

On my return, on 12 May 1996, our friend Jean-René told me that you weren’t really there anymore; you were completing the terminal phase of the cancer that had kept you bedridden since the previous summer. You died a few days later, the same day I developed the first roll of film. The purpose of this installation is to imagine for a moment what we photographers would have talked about if we’d had the time.

© Denis McCready 1996 + 2024